Histoires de pilotes, et de mécano-naviguants


Un vol tourmenté, par Guy DAURE

En consultant votre site les Broussards survivants, j'ai eu la surprise de retrouver les photos de 3 avions que j'ai bien connu !
Ce sont les 010, 016 et 018. Tous les 3 sont aux USA et tous les 3 se trouvaient à l'ELO 3/45 en 1956-1957.
 
Le 010 en premier m'a laissé un souvenir, je vous raconte.
 
Le 010 sortait de révision et le matin du 25/09/1956, on me désigne pour faire une évacuation sanitaire de Oued Hamimine à Soukaras et retour avec un Sergent pilote aux commandes.
Pas de problème.
Le Lendemain, le 010 m'étant affecté comme mécano, je prépare l'avion de bonne heure car nous décollons au lever du jour avec aux commandes le Capitaine, un navigateur en co-pilote, une infirmière convoyeuse de l'air et moi.
Nous sommes équipés en évacuation sanitaire avec une civière sur laquelle nous transportons un blessé crânien à destination d'Alger.
Pas de problème, à Alger, je refais le plein et demi-tour,nous reprenons la piste pour retourner la piste pour retourner à Oued Hamimine.
J'étais assis derrière le siège pilote et l'infirmière derrière moi.
Le pilote demande l'autorisation de décoller et lance l'avion. Je suis assis en train de remplir les formes de vol et je regarde la piste au moment où le Capitaine tire sur le manche.
Je vois l'avion qui se soulève et je vois la roue gauche qui continue toute seule sur la piste !
Au même moment, la tour nous appelle "Broussard, vous venez de perdre une roue".
Après discussion, le Capitaine Amanou décide de continuer le vol et de rentrer à Oued Hamimine pour se poser.
A Oued Hamimine, la piste nous est refusée pour sécurité insuffisante et on nous envoie nous poser à Telergma.
Nous avons tourné au dessus de Telergma pour vider les réservoirs.
Le Capitaine m'a fait installer les couvertures de la sanitaire à l'avant sur la planche de bord puis sur le siège arrière pour protéger l'infirmière.
Nous étions tous attachés et le pilote m'a demandé au moment de l'atterrissage d'éjecter la porte avec le crochet se trouvant au dessus de ma tête.
Manque de chance, le crochet était mal calculé et l'on ne pouvait pas l'éjecter en étant attaché!
Nous nous sommes posés sur la piste en dur avec les ambulances et les pompiers qui nous suivaient. Il y avait même une caméra du cinéma aux armées qui filmait.
Tous s'est bien passé jusqu'à ce que, perdant de la vitesse, le train fixe touche le sol.
A ce moment, l'avion a fait un tête à queue, l'hélice s'est mise en parapluie et nous nous sommes retrouvés sur la piste en herbe, mais sans mal pour nous.
Ensuite, il y a eu des contrôles, l'avion venait de sortir de révision.
Celui qui avait fait la révision était un Sergent chef rappelé volontaire plein de problèmes.
Il a été arrêté mais personnellement, je n'ai jamais su ce qu'il avait écopé.

Ci-joint la page de mon carnet de vol sur laquelle se trouve le crash à la date du 29/09/1957.



Je vous envoie également une page avec le 016 qui a peut-être été l'avion sur lequel j'ai le plus volé. Son indicatif était le Zoulou Juliette.
A son bord, nous avons été touchés 3 ou 4 fois par balles mais sans dommages ; une fois le 21/03/1958 et deux fois le 16/04/1958.

Guy DAURE
01/2009

J'ai quitté l'armée 1 an après mon retour d'Algérie en fin 1961. Je suis entré à la SNECMA comme monteur de moteurs Mirage puis Airbus dès ses débuts jusqu'à ma retraite en 1994.
J'habite à cancale au bord de la mer dans le 35. J'ai obtenu à 21 ans deux valeurs militaires avec citation à l'ordre de l'armée étoile de vermeil Médaille Militaire. Juste avant mon retour en France l'ELO 3/45 a reçu la fourragère de la croix de guerre pour les opérations auquel elle a participé. Je suis fier d'avoir été dans cette escadrille malgré que je n'ai pas aimé cette guerre!

Complément
Quelques jour après que vous ayez publié mon texte dans Histoires de Pilotes j'ai reçu un coup de téléphone. C'était un de mes amis de l'époque que je n'avais plus revu depuis 51 ans et qui était avec moi , dans la meme tente à Oued Hamimine. Il venait comme moi de l'école d'apprentis mécaniciens de Rochefort. Nous étions les 2 plus jeunes de l'ELO 3/45. Nous avons tous les 2 participé à la bataille de Souk-Ahras qui fut la plus importante opération de toute la guerre d'Algérie au cours de laquelle il y eut un très grand nombre de
victimes. Plus de 700 du coté Algériens et plus de 60 du coté Français.
Mon ami le sergent JP Naute était parti le matin effectuer une reconnaissance à vue sur le barrage de la frontière Tunisienne est revenu avec son avion HS. Réservoir percé et 8 impacts. C'est ensuite moi qui l'ai remplacé avec comme pilote le CDT  Honnorat. Nous étions le seul avion lent autorisé sur les lieus de l'opération. Et je peux vous dire, il est lent le Broussard quand on fait des passages à basse altitude pour faire des marquages à la fumigéne de 3 kilos.
Pendant 3 à 4 jours nous avons fait des guidages chasse avec les Corsaires de l'Aéronavale et guidage bombing avec les B 26 de la base de Bone. Jamais le temps ne m'a paru si long. Naute et moi n'avions meme pas 20 ans.
Merci de m'avoir aidé à le retrouver.

Amicalement
Guy DAURE dit GLOBS
04/2009



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